Cancer et humiliation

Que vous soyez blanc, noir, jaune, blond, brun ou roux , avec des cheveux longs ou chauve, grand, ou petit, jeune ou vieux, gras ou maigre, que vous soyez ingénieur, ouvrier, paysan, scientifique, balayeur, homme ou femme, que vous soyez démocrate, socialiste, extrémiste, gentil ou méchant, fort en math ou nul, le cancer vous traitera avec une totale égalité et sans distinction, il n’est pas raciste et n’a aucun préjugé.

Le jour où vous apprenez que vous êtes atteint de cette maladie, vous croyez encore être quelqu’un, une personne, même si c’est un grand choc. Mais dès l’instant où vous êtes pris en charge vous n’êtes plus qu’un ou une patiente de plus, pris en charge à 100% par la Sécurité Sociale, donc la Société.

Vous n’avez plus aucun autre droit que celui de patienter.

Vous n’avez pas le droit de poser des questions, c’est faire perdre du temps à ceux qui savent et n’ont pas de temps à perdre, mais vous avez le devoir d’obéir.

Vous avez aussi le devoir d’être courageux et de souffrir de plus en plus pour affronter les traitements que l’on vous dit indispensables pour vous soigner. Non pas pour vous guérir d’ailleurs, au mieux vous donner une rémission.

Rémission, terme en général utilisé pour des condamnés, et un condamné c’est aussi un coupable indirectement.

Vous passez donc d’un instant à l’autre de l’état de quelqu’un, d’une personne, à celui de coupable, assisté, ignorant, objet d’une énorme machine, dite médicale, dirigée par des gens au service de cette machine, et vous allez rejoindre illico le troupeau des 350.000 nouveaux cancéreux annuels qui va la faire vivre. Et un troupeau ça marche au cri et avec des chiens.

L’humiliation, première et immense douleur, aussi grave qu’une dictature car votre liberté est perdue, douleur qui va générer frustration, désir de vengeance et haine, pour ceux qui dans leur arrogance en sont les supports, …et de mauvaises conditions pour guérir.

Ceux-là qui en sont les acteurs, souvent de bonne foi et aveugles, croyant être au service des autres, malgré les signes qui contredisent leurs supposés succès continuent avec bonne conscience à traiter sans vraiment guérir.

Leurs patients les jugent déjà au quotidien, réfrénant leur vengeance, cherchant à échapper à leur emprise, luttant individuellement pour leur survie. Jusqu’à ce qu’un jour, qui s’annonce, ils retrouvent leur liberté, leur choix de traitement. Alors ceux qui imposent « Le Protocole » seront condamnés car ils ont trahi le serment d’Hippocrate, abandonnant  le malade pour en faire un patient, appliquer un protocole et profiter d’une carrière hiérarchisée, sans égard pour les résultats.

Certains sauront peut-être retrouver la liberté, celle du médecin ayant une relation d’humain à humain avec son malade, l’écouter, le comprendre, chercher dans la panoplie le remède le mieux adapté à celui-ci pour diminuer sa souffrance et le guérir s’il le peut. Noble posture qu’ils n’auraient jamais dû abandonner.

Gilles de La Brière

26.10.2016